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ATTEINTE AU RESPECT DE LA PRESOMPTION D’INNOCENCE



I – LE SOCLE DE NOTRE DROIT :


    L’article 16 de la Constitution dispose que :

«Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution. »

La déclaration des droits de l’homme et des citoyens prise en son article 9 rappelle que tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit déclaré coupable.

La Convention Européenne des Droits de l’homme, édicte quant à elle, dans son article 6, alinéa 2 que « toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie »

Enfin l’article 9-1 du Code Civil découlant de la Loi n° 2511 du 15 juin 2000, dispose que chacun a droit au respect de la présomption d’innocence.

C’est ainsi qu’est réprimé le fait de présenter publiquement une personne, avant toute condamnation, comme coupable de faits, objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire.

Avant la réforme de 1993, ayant modifié la terminologie criminelle, le mot latin « culpa » signifiant la faute, l’inculpation était devenu aux yeux de l’opinion publique, un pré-jugement de culpabilité.

Une atteinte était ainsi portée au principe de la présomption d’innocence et les parlementaires ont ainsi exigé que soit supprimé toutes références à cette notion, pour y remplacer, celle de mise en examen.

Le fait d’imputer à une personne des crimes ou délits blesse des valeurs sociales que la présomption d’innocence entend faire respecter.

L’une de ses valeurs est le droit de tout homme à l’honneur et la considération, l’autre est l’autorité et la serenité de la justice.

C’est ainsi que des personnages politiques, publics, voire certains magistrats, ont donné l’exemple de la désobéissance en battant les estrades pour commenter des affaires criminelles ou délictuelles.

C’est précisément pour réprimer ce type d’attitude que la jurisprudence a très exactement défini les conditions de succès d’une action tendant à respecter, ou à faire respecter ce droit subjectif extra patrimonial.


II – LA DEFINITION POSITIVE DE LA PRESOMPTION D’INNOCENCE


L’atteinte à la présomption d’innocence visée à l’article 9-1 consiste à présenter publiquement comme coupable, avant condamnation, une personne poursuivie pénalement.

(Cassation Civile 1ère chambre 6/03/1996 – Bulletin civil n° 123 D 197 sommaire 73 – Observations DUPEUX)

L’article 9-1 a pour but la protection de la présomption d’innocence et définit un principe supérieur à la liberté d’expression à laquelle il s’oppose et qu’il tend précisément à limiter. 

(T.G.I.Nanterre)

Seule une condamnation pénale devenue irrévocable fait disparaître relativement aux faits sanctionnés, la présomption d’innocence assurée par des textes.

Le fait de divulguer le nom d’une personne majeure mise en examen, n’est cependant interdit par aucun texte dès lors que son auteur n’assortit la relation des faits d’aucun commentaire de nature à révéler un préjugé de sa part quant à la culpabilité de la personne mise en cause.

(TGI PARIS 7/07/1993 – JCP 94 N° 22 306 – Note BIGOT et DUPEUX)

C’est ainsi qu’il a été jugé qu’il n’existait pas d’atteinte à ce droit extra patrimonial, lorsqu’un écrit ne contenait pas de conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité.

Les conditions de la protection de l’innocence présumée tiennent donc :

· - à l’atteinte sanctionnée,

· - à l’accomplissement d’actes procéduraux.


A – L’ATTEINTE SANCTIONNEE :


Le bénéficiaire des dispositions de l’article 9-1 alinéa 2 du Code Civil est la personne qui est avant toute condamnation, présentée publiquement comme coupable de fait.

Cette présentation peut être effectuée au travers de différents moyens d’expression, discours, écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes ou images de toute nature, support de l’écrit, de la parole ou de l’image.

Les faits qu’il est interdit d’imputer sont ceux qui font l’objet d’une instruction judiciaire.

Dès lors qu’il est manifesté par l’auteur de l’atteinte, sa propre conviction tenant à la culpabilité de la personne mise en cause, la protection doit jouer.

Il a été ainsi jugé par la Cour de Cassation, (Cassation civile 1ère chambre civile 6/03/1993) que devait être sanctionnée toutes déclarations ou conclusions hâtives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité.

Il en est également des observations par lesquelles les passions et les sentiments de l’auteur, prennent plus de part que la raison et l’analyse des faits.

Le demandeur n’a pas à démontrer distinctement l’intention de nuire ou l’imprudence, et l’auteur journaliste ou professionnel, ne peut donc invoquer la maladresse de sa rédaction qui aurait dépassé sa pensée.

(T.G.I. Quimper réf 29/01/1997 –Legipresse 1998 N° 150-1 page 36).


B – LES ACTES PROCEDURAUX :


La protection organisée par les textes n’est susceptible de prospérer que dans un contexte procédural formé par l’ouverture d’une enquête ou d’une instruction judiciaire.

Le déclenchement de pareille procédure est donc une condition nécessaire pour l’application de la protection.

Enfin les abus de la liberté d’expression prévus par l’article 9-1 ne peuvent être poursuivis sur le fondement de l’article 1382.



III – LES MOYENS DE LA PROTECTION :


Antérieurement à la promulgation de la Loi du 15 juin 2000, l’article 9-2 présentait les sanctions de l’atteinte à la présomption d’innocence comme la possibilité pour le Juge (même en référé), d’ordonner l’insertion dans la publication concernée, d’un communiqué aux fins de sanctionner cette atteinte à la présomption, sans préjudice d’une action en réparation des dommages subis et des autres mesures qui peuvent être prescrites en application du nouveau code de procédure civile.

La nouvelle rédaction découlant des récentes dispositions légales dispose :

« Lorsqu’une personne est avant toute condamnation présentée publiquement comme coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le Juge peut même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne physique ou morale responsable de cette atteinte»

C’est ainsi que la rectification ou la publication d’un communiqué constitue une réparation en nature octroyée à la victime de l’atteinte.

Pareille mesure est une réparation en nature assez peu adéquate car elle ravive, dans le public les soupçons qu’il nourrissait peut être déjà à l’égard de l’intéressé, et est susceptible de faire naître chez ceux qui n’étaient pas informés, un doute sur le droit et le texte étant précisément à protéger.

C’est ainsi que la publication du communiqué est souvent sollicitée non pas en référé, mais au moyen d’une action au fond du droit tendant, en parallèle à solliciter juste dommages et intérêts.

La réparation pécuniaire : peut s’agir du montant de salaires perdus du fait d’un licenciement que la révélation a précipité ou de bénéfices liés à une affaire manquée, sur le point d’être conclue.

Enfin, il importe de préciser que le Tribunal peut également prononcer une saisie du document, ou la rectification d’un ouvrage avant sa publication.

La juridiction compétente ratione loci est celle de la même matière de la responsabilité délictuelle.

Le demandeur, en considération de l’article 46 du nouveau Code de procédure civile, a le choix entre le Tribunal du lieu du domicile des défendeurs, et celui de l’endroit ou le dommage a été subi à savoir, tout ressort judiciaire dans lequel le message intentatoire à la présomption d’innocence a été perçu.

Les défendeurs doivent s’entendre de la personne morale, comme de l’émetteur physique du message.

Enfin les actions fondées sur une atteinte à la présomption d’innocence se prescrivent après trois mois révolus à compter du jour de l’acte de publicité.

Cette prescription s’applique à toutes les actions fondées sur l’article 9-1, même celles qui tendent à l’octroi de dommages et intérêts.

Néanmoins, cette prescription de courte durée, est le même point de départ que celle visant l’action contre les délits de presse, se distingue par un régime spécifique de son interruption.

Il en effet disposé que la prescription court, du jour ou les délits ou contraventions ont été connus, ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait.

Les actes interruptifs ne renouvellent le délai que pour trois mois, et s’il n’en est fait aucun pendant cette durée, l’action est éteinte.

(Cassation criminelle 2/12/1986 – Bulletin criminel n° 364)

Or l’article 65-1 qui régit la prescription de l’action fondée sur l’article 9-1 du code civil ne comporte pas la formule « ou du dernier acte d’instruction ou de poursuite ».

La Cour suprême en a ainsi déduit que la prescription était suspendue pendant l’instance civile engagée, sans qu’il ne soit nécessaire de l’interrompre à nouveau avant l’expiration du délai de trois mois.

Les dernières publications législatives ont par ailleurs et désormais sanctionné d’une amende correctionnelle le refus d’insérer une réponse après une décision de non lieu de relaxe ou d’acquittement.


IV – LES LIMITES A LA PROTECTION DE LA PRESOMPTION
D’INNOCENCE :


Les dispositions protectrices de l’article 9-1 sont délimitées dans le temps.

Elles cessent en effet, avec le jugement de condamnation devenu définitif .

Par ailleurs d’autres règles peuvent également restreindre le champ d’application, destinées notamment à servir les intérêts supérieurs de la justice.

Ainsi, un jugement portant condamnation pénale fait disparaître la présomption d’innocence de la personne qui l’a frappé.

Cette disparition n’est toutefois effective que lorsque toutes les voies de recours sont éteintes.

Pendant le délai ouvert pour exercer tout recours, l’accusé reste présumé innocent et continue de bénéficier de la protection légale.

Par ailleurs la Loi du 15/07/2000 ayant complété l’article 11 du Code de procédure pénale a rajouté un troisième alinéa, qui permet au Procureur de la République de publier des communiqués.

Néanmoins cette faculté n’est réservée que pour éviter la propagation d’informations parfois inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public.

Le texte impose néanmoins au magistrat du Parquet une réserve conforme à l’esprit du texte, car le contenu de l’annonce susceptible d’être publiée est limité aux éléments objectifs tirés de la procédure, et ne doit contenir aucune appréciation sur le bien fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause.

Enfin, une autre limite existe quant à la présomption d’innocence, fondée sur le caractère public de l’audience de jugement.

L’article 9-1 ne doit en effet pas entraver la liberté d’expression des parties et de leurs conseils, pas plus qu’il ne doit affaiblir l’indépendance des magistrats.

Cette notion découle de l’application d’un article 41 alinéa 3 de la Loi du 29/07/1881 selon lequel :

« ne donneront lieu à aucune indemnisation, la reproduction ou les compte rendus fidèles faits de bonne foi, des débats judiciaires, ou les discours prononcés ou produits devant des Tribunaux. »

Ce texte est une application particulière de l’article 6 alinéa 1 de la Convention européenne des droits de l’homme disposant que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement.

La protection légale reprend néanmoins son empire là ou cesse l’immunité. 

Il est ainsi légitime que le compte rendu des audiences, et nullement quelques commentaires que ce soit, l’ensemble des débats soient rapportés, comme le rappelle l’article 41, fidèlement, ce qui n’est pas le cas lorsque l’article ne reproduit qu’une seule plaidoirie ou que le même article est de manière plus générale, partial.

(cassation criminelle 21/12/1966 – DALLOZ 67 – jurisprudence page 129. Cassation criminelle 16/01/1978 – bulletin criminel n° 18).

Enfin une autre limite à ce droit existe, relativement au consentement de la victime.

Ce droit extra patrimonial constitue en effet un droit suggestif et peut faire l’objet d’une reconnaissance par la personne mise en cause.


CONCLUSIONS


En considération de ces développements juridiques et procéduraux, et dans la mesure ou l’atteinte au droit extra patrimonial que constitue la présomption d’innocence est avérée, toute personne estimant ses droits lésés, avant toute condamnation, ou après, lorsque celle ci contient une relaxe ou un acquittement, est totalement bien fondée à saisir, Monsieur le Président du Tribunal statuant en matière de référé, lequel tient des dispositions de l’article 808 et 809 du nouveau Code de procédure civile, mais également de l’alinéa 2 de l’article 9-1, le droit de prescrire toute mesure afin de faire cesser les troubles.

La multiplication de comptes rendus généralement peu fidèles ou traduisant un parti pris évident doit permettre de faire application de ce texte pour obtenir une réparation immédiate et sans délai de l’atteinte perpétrée.




Maître Michèle BENSOUSSAN TANDETNIK
Avocat au Barreau de Versailles
12, rue du Grand Marché
78300 POISSY
Responsable LEXILIS - Ile de France 

 

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 Dernière modification : 13 août 2004