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RISQUES FINANCIERS D’UNE MODIFICATION DE L’ESSENCE MEME D’UN CONTRAT D’AGENCE COMMERCIALE AU REGARD DE LA REGLE NATIONALE ET SUPRA NATIONALE





I - CIRCONSTANCES DU LITIGE :


    Par contrat à durée indéterminée une Société de droit anglais a conclu un contrat d’agence commerciale avec une société de droit français.

En vertu du contrat, le mandataire bénéficiait de l’exclusivité de la représentation pour différents territoires.

Par la suite, au travers de différents avenants, le mandataire a été chargé de la commercialisation d’équipements d’autres produits, et de la représentation sur un autre territoire.

Or du fait d’une défaillance avérée du mandataire, les commandes dans les territoires conventionnellement définis ont chuté, et par voie de conséquence, le mandant a souhaité retirer une partie de celui ci afin de le confier à un autre agent.

C’est ainsi que différents projets de lettres ont été rédigés par le mandant qui souhaite savoir quels sont les risques financiers de sa nouvelle politique, suite au désir affiché de voir modifier la couverture préalablement définie.

Il n’est pas sans intérêt de noter qu’aucun objectif n’avait été conventionnellement arrêté.



II – LE CONTRAT DOIT ETRE EXECUTE DE BONNE FOI SELON LES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 1134 DU CODE CIVIL :

Les dispositions générales traitant des contrats et des obligations, telles que rappelées dans le Code Civil Français, sont notamment détaillées à l’article 1134.

«Les conventions légalement formées tiennent lieu de Loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que par le consentement mutuel ou pour les causes que la Loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

La règle que consacre l’article 1134 est générale et absolue, et régit les contrats dont l’exécution s’étend a des époques successives de même que ceux de toute autre nature.

Dans aucun cas, il n’appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse lui paraître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer de clauses nouvelles à celles qui ont été librement débattues et acceptées par les co-contractants.

Le contrat qui fait ainsi la Loi des parties, rappelle en son annexe 1 des obligations générales, lesquelles s’inspirent notamment du principe absolu de loyauté qui préside à toutes conventions

C’est ainsi qu’aux conditions générales de l’annexe 1 sont notamment définies les obligations pesant sur l’agent commercial
qui s’est engagé durant toute la durée du contrat à :

· - Article 1-1 b faire tout son possible pour augmenter la clientèle de Lockers sur le territoire et obtenir des commandes et aider le mandant à vendre ses produits sur le même territoire.

· - Article 1-2 gérer la promotion et la commercialisation des produits sur son territoire, avec soin et diligence, et cultiver et maintenir de bonnes relations avec les clients existants ou potentiels.

· - Article 1-4 c contacter les clients existants ou potentiels sur le territoire en vue de promouvoir les produits.

· - Article 1-6 soumettre au mandant un rapport mensuel de ses activités en tant qu’Agent.

· - Article 1-6 c engager et maintenir durant la période du contrat un personnel suffisant et convenablement formé en vue de promouvoir et vendre les produits sur le territoires.

· - Article 1-6 d transmettre au mandant toutes informations en sa possession …. etc …

C’est ainsi qu’à l’examen de la convention des parties, si 
Celle-ci rappelle les obligations générales de loyauté et d’information pesant sur tous mandataires, ne précise nullement quel était le développement chiffré que le mandant entendait faire atteindre, de sorte que même si aujourd’hui les objectifs prévus ne sont pas atteints, aucune faute spéciale ne peut être relevée.

Il convient donc de se référer à l’esprit du texte, pour rapporter la preuve que l’Agent commercial n’a pas rempli avec soin et diligence la mission ou le mandat qu’il lui était confié.

C’est ainsi qu’il peut être fait référence aux dispositions du Code Civil relativement au mandat et à son exécution, pris en son chapitre 2 et en ses articles 1991 et 1992.

Ceux ci sont édictés strictement comme suit :

« le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages et intérêts qu’il pourrait résulter de son inexécution. »

Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des erreurs qu’il commet dans sa gestion.

Néanmoins la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit, qu’à celui qui reçoit un salaire. »

Les obligations du mandant quant à elles peuvent être résumées comme celles découlant de l’exécution des engagements contractés par lui dès lors que le mandataire a agit en « bon père de famille ».

Ainsi l’exécution du contrat de bonne foi doit s’entendre en l’espèce comme insusceptible de voir appliquer par le mandant une quelconque modification de l’essence même du contrat, telle que la réduction du territoire sur lequel agit le mandataire, réduction qui constituerait une inexécution fautive susceptible de causer préjudice au mandataire, lequel recevrait corrélativement une commission moins importante que celle prévue contractuellement.

Le mandant se mettrait alors en position de faute et devrait en réparer les conséquences.


III– LE STATUT D’AGENT COMMERCIAL :


Le statut de l’agent commercial a tout d’abord été défini par un décret du 23 décembre 1958 complété par un second du 22 août 1968.

Par la suite, une directive du Conseil des communautés Européennes (Directives CCE N° 86 653 du 18/12/1986) a modifié la Législation nationale et entraîné la promulgation d’une Loi en date du 25 janvier 1991, applicable depuis le 1 janvier 1994 à tous les contrats en cours 


L’agent commercial est ainsi défini comme « un mandataire, qui à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé de façon permanente de négocier, éventuellement de conclure des contrats d’achats; de ventes, de locations, ou de prestations de services au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants, ou d’autres agents commerciaux » 

(Code de commerce article L 134-1 Alinéa 1)

Le statut d’Agent Commercial présente tout son intérêt lorsqu’il est mis fin au contrat, dès lors que celui ci est analysé comme un contrat d’intérêt commun.

L’article 3 du Décret du 23 décembre 1958 disposait que la résiliation par le mandant, si elle n’était pas justifiée par une faute, ouvrirait droit à une indemnité compensatrice du préjudice subi.

Or depuis la Loi du 25 juin 1991, les relations des parties qui sont toujours expressément gouvernées par les principes du mandat d’intérêt commun, rappellent non seulement que :

« les rapports entre l’agent commercial et le mandant sont régies par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d’information »

« l’agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel. »

« le mandant doit mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter son mandat ».

Mais rappellent également :

« Qu’à l’occasion de la cessation du contrat, l’agent a droit à une indemnité pour le préjudice subi sauf en cas de faute grave. »


Cette indemnité est généralement de deux années de commission, selon la pratique jurisprudentielle, étant précisé que le contrat ne peut être résilié qu’en respectant un préavis minimal de un à trois mois, sauf également faute grave.

L’obligation de loyauté et d’information fait peser sur le mandataire de nombreuses obligations dont l’inexécution est appréciée in concréto par la jurisprudence, comme constitutive ou non d’une faute grave.

C’est ainsi que la Cour d’Appel de PARIS a jugé le 28 février 1985 que le mandataire devait respecter les instructions du mandant, et qu’en ne visitant pas deux fois par an la clientèle comme le prévoyait la convention, un agent commercial avait commis une faute jugée grave.

Néanmoins dans une espèce ou le contrat mettait à la charge de l’agent commercial l’obligation d’envoyer des rapports semestriels au mandant, il a été jugé que le manquement à cette obligation ne pouvait justifier la résiliation du contrat, les juges considérant que l’agent avait entretenu des liens étroits avec celui ci, et que la remise de tels rapports n’avait jamais été demandé à l’agent. (Cassation commerciale 14 mars 1995).

La jurisprudence antérieure à la Loi du 25 juin 1991 abonde d’exemples de fautes de l’agent ayant justifié la rupture sans indemnité, tels que :

· - « comportement délictueux comme la corruption d’acheteur, (Cassation criminelle 6/10/1971).

· Dénigrement du mandant (Cassation commerciale 19/05/1987)

· Refus de se plier aux méthodes de vente du mandant ou négligence dans la recherche de la clientèle (Cassation commerciale 29/11/1971 n° 71 10 695 – Bulletin Civil 4 N° 287 Page 267).

· Absence de prospection selon la périodicité prévue au contrat (Cour d’appel de PARIS 28/02/1985)

· Rupture sans indemnité et mise en jeu de la responsabilité de l’agent, lorsque celui ci n’a pas assuré un nombre suffisant de visites, et n’a pas réalisé la publicité convenue. (Cassation commerciale 17/02/1987)

Enfin, la Cour de Cassation (3ème Chambre commerciale) a 
considéré le 3 janvier 1991 qu’un ensemble de manquements (non transmission de l’état des stocks et des prix pratiqués par les concurrents, omission d’apposer des panneaux publicitaires, vente de produits défraîchis) constituaient une faute de nature à priver l’agent de toutes indemnités de résiliation.

Cependant la même Cour de Cassation a considéré à l’inverse sur l’insuffisance de résultat obtenu par l’agent, révélé par la baisse de son chiffre d’affaires, que ce comportement n’était pas suffisamment fautif pour entraîner la perte de l’indemnité.

Enfin dans une autre espèce ou des quotas avaient été impérativement prévus et devaient donc être respectés par l’agent, la Cour de Cassation a approuvé les Juges du Fond, ayant refusé de résilier le contrat pour inobservation car leur non réalisation ne résultait pas d’un manque de l’activité de l’agent, mais d’une désaffection de la clientèle potentielle des produits dont la vogue diminuait. (Cassation Commerciale 9/02/1982).

En conclusion, l’agent commercial n’a pas l’obligation d’augmenter la clientèle.

Il lui suffit de maintenir celle-ci. 

Par conséquent ne constitue pas une faute susceptible de le priver de l’indemnité de résiliation le fait que l’activité de l’agent commercial n’ait pas entraîné la conclusion de nouveaux contrats (Cassation Commerciale 14/10/1997 RJ DA 1998 N° 3 – N° 279).

Il appartiendra donc a la société mandante de rapporter la preuve de la faute ou d’un cumul de fautes commises par l’agent commercial si le mandant veut échapper au paiement de l’indemnité.

En cas de contestations il appartient au Juge du fond de rechercher si la faute reprochée est d’une gravité suffisante pour justifier la position du mandant.


IV – EN CONCLUSION


Il ne semble guère possible de diminuer de manière unilatérale le territoire concédé au risque de modifier l’essence même du contrat de part la modification corrélative de la commission.

Il ne semble guère possible également de fonder une résiliation du contrat à l’initiative du mandant, du fait d’objectifs non atteints dès lors que ceux ci ne sont pas quantifiés.

En revanche et tel qu’il l’a été précisé, dans la mesure où la faute est avérée, voir un cumul de fautes objectivées, conviendrait t’il alors de considérer possible la rupture du contrat sans indemnité, précision étant une nouvelle fois ici donnée, que celle ci correspond selon la jurisprudence habituelle à deux années de commissions.

L’appréciation du manquement fautif est souveraine des Juges du Fond, lesquels peuvent parfaitement bien être soit commerciaux, soit civils, du fait de la nature mixte du contrat d’Agent commercial.

La jurisprudence actuelle, surtout civile a tendance à juger de manière assez sévère les manquements du mandataire à ses obligations.

Conviendrait t’il alors de rapporter la preuve non seulement de l’absence de développement de clientèle, mais bien plus d’une baisse de celle ci corrélative à la baisse de chiffre d’affaires, mettant ainsi en difficulté le mandant, qui pourrait ainsi voir dépérir sa clientèle.


De plus, s’il est rapporté la preuve de l’absence de visites régulières, de l’absence de respect des consignes, de l’absence de comptes rendus de visites à la clientèle, alors la résiliation pourrait elle être considérée comme fondée, et la rupture pourrait intervenir sans indemnités.

Il s’agit ainsi, aux termes de cette étude, d’une décision de gestion que doit prendre le mandant, en considération de la perte probable que l’inactivité ou l’inaction de son agent, va lui faire subir.

En vertu du principe selon lequel « certaines économies coûtent cher », il appartient au mandant d’apprécier le risque, en tout état de cause limité s’il est objectivé plusieurs fautes, même en l’absence d’objectifs conventionnellement définis dans le contrat.



Fait à PARIS,
 

Maître Guillaume SAHUC

Avocat à la Cour

Lauréat de la Faculté
Spécialiste en Droit économique et commercial

 

courriel : sahuc.guillaume@wanadoo.fr

Tel  : 06.80.31.09.87.

 

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 Dernière modification : 13 août 2004