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DE L’ABUS DE CONFIANCE



Nouvelle définition découlant de l’article 314-1 du Code Pénal :

« L’abus de confiance est le fait, par une personne de détourner au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont étés remis, et qu’elle a accepté à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé.

L’abus de confiance est puni de trois ans d’emprisonnement et de
38 113 €uros d’amende. »

Eléments jurisprudentiels


L’abus de confiance exige la nécessité de la constatation d’un détournement.

Il suffit que le prévenu se soit approprié la chose confiée, qu’il en ait tiré un profit personnel, ou qu’elle ait été purement et simplement détournée. 
(Criminelle 16 février 1977 -Bulletin criminel n° 68, Juin 77 Bulletin criminel n° 207)

Lorsque le mandant a autorisé le mandataire à utiliser les fonds encaissés par celui ci pour son compte, l’impossibilité ou vient à se trouver le mandataire de rendre ou de représenter les fonds, ne peut servir de fondement à une déclaration de culpabilité du chef d’abus de confiance. (Cassation criminelle 20/02/80 - Bulletin criminel n° 66)

L’intention frauduleuse est indispensable à l’exercice des poursuites, et elle suppose chez l’agent, la connaissance de la précarité de la possession, et la prévisibilité du résultat dommageable de son comportement.

Il a été jugé, que l’intention coupable était réalisée toutes les fois que le prévenu avait disposé de choses fongibles, dans des conditions telles, qu’il devait normalement prévoir qu’elles l’empêcheraient de restituer en temps utile (Criminelle 12/07/56 – Bulletin criminel n°531.)


S’agissant du préjudice, une condamnation pour abus de confiance impliquant nécessairement un détournement, ce qui inclut l’affirmation de l’existence d’un préjudice, les Juges qui la prononcent, sont tenus de rechercher l’étendue du dommage pour le réparer dans son intégralité (Cassation criminelle du 26/10/1994 – Bulletin criminel n° 340)

EXPOSE:


Le nouveau Code Pénal à remodelé fondamentalement l’incrimination d’abus de confiance pour abandonner notamment la conception traditionnelle du droit Français, trop restrictive et trop liée à une étroite dépendance du délit relativement à la violation de certains contrats limitativement énumérés.

Pour être commis l’abus de confiance suppose :

1 °- Une chose détournée, objet de la remise et la remise de la chose.

2° - Des éléments constitutifs, au nombre de trois, matériel, 
dommageable, et intentionnel.


I – LA CHOSE DETOURNEE OBJET DE LA REMISE:

L’abus de confiance ne peut viser les choses immeubles. Le propriétaire d’un immeuble peut le reprendre grâce à son droit de suite. Il pourra toujours faire annuler les actes consentis, par le possesseur.
En incriminant l’abus de confiance, la loi n’a voulu garantir que la propriété des choses meubles.
Les meubles sont visés par trois expressions, utilisées par l’article 314-1 :
Les fonds, les valeurs, ou un bien quelconque.

Le bien quelconque est tout bien objet mobilier ( ex : tableaux, livres, automobiles, ou autres.)

La chose corporelle est nécessairement l’objet de l’abus de confiance.

C’est ainsi que la haute juridiction (Cassation criminelle 9/03/87 ) a rappelé que le détournement n’est pénalement punissable que s’il porte sur l’écrit constatant le contrat, mais non sur les stipulations qui en constituent la substance juridique.


En l’espèce la Cour suprême a relaxé le prévenu considérant qu’il n’était pas établi qu’il s’était personnellement approprié des dossiers appartenant à la Société ou avait été détourné des sommes d’argent destinées à cette dernière.

L’innovation majeure du nouveau Code Pénal, tient à la suppression de la liste des 6 contrats autrefois limitativement énumérés, par l’ancien article 408 de l’ancien Code.

La remise, prélude à l’abus de confiance peut être le résultat d’une disposition légale ou d’un jugement.

Le détournement punissable n’a pas lieu néanmoins après n’importe quelle remise, mais seulement après une remise à charge de rendre la chose, de la représenter ou d’en faire un usage déterminé.

C’est désormais cette finalité, et elle seule, qui modèle le concept de remise, condition préalable essentielle de l’abus de confiance.

La qualification par le Juge de l’opération juridique initiale, reste donc capitale, car elle seule permet de vérifier si l’une ou l’autre des finalités de la remise est bien présente au dossier.

La première finalité visée par la Loi est l’obligation de rendre le bien.

Il serait donc excessif de parler d’abus de confiance dans des situations ou la restitution n’aurait jamais été envisagée par les parties au moment de la remise.

Par ailleurs la deuxième finalité de la remise, à savoir la représentation, consiste à montrer le bien, la troisième et dernière finalité étant l’obligation d’en faire un usage déterminé, c’est à dire de l’employer à une fin prévue.

CONCLUSIONS

Pour terminer l’étude de la remise de la chose, il est essentiel d’insister sur la nécessité de cette opération.

Il s’agit là d’une exigence indispensable faute de quoi le détournement ne réalise pas l’infraction.


II – LES ELEMENTS CONSTITUTIFS :


Ceux ci peuvent être considérés au nombre de trois :

Matériel :
- A) le détournement.
Psychologique :
- B) le préjudice.
Intentionnel :
- C) le dol.


A ) Le détournement :


La dissipation des fonds ne réalise vraiment l’abus de confiance que si le mandataire s’est mis dans l’impossibilité de les restituer.
Or cette impossibilité de restituer ne pourra être concrètement prouvée que par l’échec patent d’une mise en demeure (Cassation criminelle 10/05/1976 Bulletin criminel n° 149)

Cette mise en demeure résulte non seulement d’un acte extra judiciaire dressé par Officier Ministériel, mais de toute réclamation suffisamment nette et précise, et dénuée de toute équivoque, quelque en soit la forme, telle une plainte au Parquet , un ensemble de démarches réitérées auprès du mis en examen, une réclamation par voie de lettre, ou une sommation faite par la Gendarmerie.

Le détournement doit être constitué par un acte matériel postérieur non équivoque qui apporte la preuve indubitable de celui-ci.

L’examen de la jurisprudence antérieure, montre que les Tribunaux ne se satisfont pas de probabilités même élevées et réclament une quasi certitude.

Il s’agit là d’une position très protectrice qui est en définitive une application orthodoxe du principe de légalité, postulant une interprétation stricte de la Loi Pénale.

Par ailleurs, l’usage de la chose doit être allusive , à savoir que l’usage doit être effectué dans des conditions différentes de celles qui ont été prévues, lors de la remise.

La règle est qu’il n’y a pas d’abus de confiance dans ce cas (Cassation criminelle du 8 mai 1919 Dalloz 1920 Jurisprudence page 76)

Ainsi il a été considéré, que le retard dans la restitution de la chose louée n’impliquait pas nécessairement le détournement.

En tous cas une mise en demeure s’avère nécessaire et elle ne permettra de conclure au détournement que si elle reste définitivement infructueuse. (Cassation 16 mars 1970 Dalloz 70 Jurisprudence page 97 - Notes JMR)

Les décisions qui prononcent une condamnation pour abus de confiance, doivent ainsi relever l’existence de l’élément matériel de l’infraction.
A peine de cassation, les juges du fond, doivent décrire les circonstances de faits desquels résulte la réalité du détournement ou de la dissipation.

Afin d’éviter les dangers que peut présenter le laconisme des Juges du fond, le justiciable peut contraindre ceux ci à répondre aux conclusions prises devant eux, et qui par exemple soutiennent que l’élément matériel de l’infraction fait défaut.

La Cour suprême se révèle très ferme et annule les décisions qui ne répondent pas suffisamment aux conclusions prises par la défense. (Eux Garçons OP cités Ière édition, article 408) (Cassation criminelle 13 juillet 1906- Bulletin criminel n° 284 – 6/12/1906 Bulletin criminel n° 433 – Cassation 23/04/1932 Bulletin criminel n° 114 - Cassation criminelle 23/12/1955 Bulletin criminel n° 598.)


B – Le préjudice :


Il est nécessaire pour que la qualification soit retenue, qu’il y ait eu préjudice de la victime.

La qualification d’abus de confiance suppose impérativement l’existence d’un préjudice ou d’un dommage subi par la victime.

Le nouveau Code Pénal, en son article 314-1, consacre la thèse répressive et supprime pour l’avenir tous risques de flottement, il suffit maintenant d’établir que la propriété de l’objet détourné reposait sur une autre tête que celle de l’auteur de l’infraction .

Il convient de viser une hypothèse nouvelle ou l’auteur du détournement est propriétaire, mais voit peser sur lui une obligation d’emploi déterminée des fonds ou d’affectation précise de la chose.

Dans ce cas, la victime n’a évidemment pas de droit privatif sur la chose, mais tout au plus un droit de créance

Le préjudice peut être matériel ou moral.

Le préjudice matériel est naturellement de loin le plus fréquent.

Le préjudice peut être également être actuel ou éventuel.

Le préjudice est éventuel toutes les fois que le prévenu est un individu solvable capable d’indemniser entièrement la victime, ce qui vaudrait à dire qu’il importe peu que le préjudice soit réparable ou non.


C – L’intention ou le dol


La nécessité d’une intention délictueuse résulte très clairement du verbe détourner ou dissiper, ou employé par l’ancien article 408, de l’ancien Code pénal.

L’opération de détournement est intrinsèquement dolosive et donc l’élément intentionnel est essentiel à l’exercice des poursuites (Cassation criminelle 3/03/1949 – Bulletin criminel n° 79°).

L’intention suppose tout à la fois la connaissance de la précarité de la possession, ou les limites de la jouissance de la chose et la prévisibilité du résultat dommageable du comportement.

Il a ainsi été jugé qu’une intention frauduleuse et le détournement résultent suffisamment de l’arrêt qui constate que le prévenu ou le mis en examen à reçu d’un tiers une somme d’argent pour le compte de ses mandants, et que loin de les avertir du recouvrement opéré, il s’est borné sur leurs nombreuses réclamations à faire des réponses dilatoires et volontairement confuses sans opérer la restitution des fonds. (Cassation criminelle 11/05/1909 – Bulletin criminel n° 223).

S’agissant de la bonne foi, l’application restrictive de la loi pénale fait qu’il n’existe aucun délit de constituer si l’auteur du fait matériel croyait avoir le droit d’agir comme il l’a fait.

De même l’intention coupable disparaît lorsque l’acte qui a privé le propriétaire de ses droits momentanément ou définitivement, n’a pas été voulu par le délinquant prétendu.
(Cour d’appel de PARIS 19/12/1936 Gazette du palais 37 1 page 452).

Un arrêt important vise le cas de l’existence du droit de rétention.

Si la rétention n’était constitutive d’abus de confiance que lorsque l’auteur avait agi avec intention frauduleuse et non pas seulement si elle était exercée à mauvais escient, la Cour suprême considère que l’abus de confiance n’est pas constitué.
(Cassation criminelle 20/01/1939 DH 39 page 151 1/05/1940 DH 40 page 169).

En l’espèce le mandataire prétendait à des honoraires élevés, et ne justifiait d’aucune créance certaine, mais les auteurs n’ont pas manqué de souligner que sur le plan juridique l’arrêt contredisait la règle civile qui veut que le droit de rétention puisse être exercé sans autorisation préalable du juge.

Les auteurs sont donc en droit d’estimer que rien ne doit normalement faire obstacle à un droit de rétention parfaitement justifié.

La bonne foi est alors patente. (Cassation criminelle 11/03/1991 Droit pénal 1991 COM n° 257)


AUTRES CONSIDERATIONS GENERALES ET CONCLUSION DE L’ETUDE 


La volonté délictueuse et sa pleine exécution sont inséparables dans l’abus de confiance.

L’utilité de l’exception de compensation est évidente.

Le délit s’évanouit en effet, si le délinquant est en réalité créancier.

La compensation dont se prévaut le prévenu doit être de nature à faire disparaître complètement le délit reproché.

En revanche, on doit rejeter l’exception s’il n’y avait aucun compte véritable à débattre et si le prévenu ne peut justifier d’une créance légitime à opposer à son co-contractant.
(Cassation criminelle 31/10/1895 – Bulletin criminel n° 266).

Le juge répressif est alors compétent pour statuer sur les difficultés d’interprétation ou sur la nature du titre juridique invoqué, fondement de la compensation.

Une condamnation pour abus de confiance impliquant nécessairement un détournement inclus l’affirmation de l’existence d’un préjudice.

En conséquence, les Juges qui la prononce sont tenus de rechercher l’étendue du dommage, et de le réparer dans son intégralité. (Cassation criminelle 24/10/1994 – Bulletin criminel n° 340.)

 


Maître Françoise SIBAUD

Avocat au Barreau de Paris
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pour LEXILIS EUROPE
Sources Editions Jurisclasseur 2002

 

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 Dernière modification : 13 août 2004