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LA
CONCURRENCE DELOYALE INTRODUCTION :
LES EXCES
INHERENTS A LA LIBERTE DU COMMERCE ET DE LINDUSTRIE Les lois des 2 et 17 mars 1991 ont consacré en France le principe de la
liberté du commerce et de lindustrie. Cest ainsi que les entreprises sont
libres de rivaliser entre elles afin de conquérir les marchés et de retenir la
clientèle induite. A linverse de
certains pays européens, où la concurrence déloyale est définie par des
textes spéciaux (Autriche, Allemagne, Espagne), le droit Français ne comporte
aucune disposition spéciale en la matière, qui demeure régie par les
principes généraux de la responsabilité civile selon les dispositions des
articles 1382 et 1383 du code civil. Labsence de dispositions
légales relatives à la définition de la concurrence déloyale empêche den
déterminer avec précision les contours. Seule est définie la notion de concurrence interdite, celle qui daprès, les auteurs, est non autorisée ou
celle ressortant de la volonté des parties
ou dune convention, au sens des dispositions de larticle 1134 du
code civil. La concurrence déloyale, quant à elle nest définie en droit français
par aucun texte de loi. Cette notion est donc une construction essentiellement doctrinale et
jurisprudentielle. Le présent exposé aura donc pour objectif de rappeler: Þ
La nécessaire réunion des conditions de fond, ou la preuve de
lexistence dune faute et dun préjudice (I), Þ Le nécessaire respect des conditions procédurales pour prospérer en une pareille action (II). I
°) LA NECESSAIRE REUNION DES CONDITIONS DE FOND,
LA PREUVE
DUNE FAUTE ET DUN PREJUDICE : A) LA FAUTE: L'action est exclusive de toute relation contractuelle entre les
parties. Elle est donc fondée sur les articles1382 et 1383 Cciv. (Cass.
Com. 1 er déc. 1987). Cette faute
peut toutefois être non intentionnelle. En d'autres termes, l'intention de
nuire n'est pas nécessaire. Classification des comportements fautifs déloyaux : Cest ainsi
que dans cette affaire à grand retentissement médiatique, Monsieur CALVET, président
de la société PSA, avait été ridiculisé par les « guignols de
linfo »,le présentent systématiquement en retard à cause dun
problème de voiture. Ayant Entrepris
une action en réparation du préjudice prétendument souffert, il se vit débouté
au motif quil existait, dune part un droit à la caricature, et dautre part et surtout que
les deux secteurs nétaient pas concurrentiels. ( CA
PARIS 14/3/95 ET Cass. 1/10/95). Le dénigrement peut porter sur des éléments de la
personnalité du concurrent qui nont pas de lien direct avec son activité
professionnelle. Parfois, le concurrent dénigre seul le prix des
produits. Le dénigrement peut encore consister à critiquer la
qualité des services rendus par lentreprise concurrente. Le dénigrement peut aussi porter sur des méthodes
commerciales de lentreprise concurrente. Le dénigrement est constitué même si le défendeur
apporte la preuve de lexactitude des faits révèles ; lexceptio
veritatis admise en matière de diffamation nefface pas le dénigrement et
nenlève pas à lacte du concurrent son caractère déloyal. Le dénigrement est caractérisé lorsque le
concurrent visé est nommément désigné. Mais la jurisprudence estime quil
y a encore dénigrement lorsque, sans être nommé, le concurrent est facilement
identifiable. Le dénigrement peut être contenu dans un tract ou
un prospectus, ou tout document écrit : un journal, une lettre missive.
Lampleur de la diffusion, ou au contraire, son caractère restreint ne sera
pris en considération que pour lévaluation du préjudice. Þ
Limitation dans le but de créer une confusion avec un
concurrent : Limitation est un procédé qui consiste à utiliser la réputation dun concurrent en créant une confusion avec ce dernier, afin den capter la clientèle notamment par lutilisation du nom commercial ou de lenseigne. Laction en concurrence déloyale protège en effet ces signes
distinctifs. Le risque de confusion sapprécie in abstracto, chez un public
moyennement attentif. Lutilisation, comme nom de domaine sur Internet, des signes distinctifs dune autre entreprise, afin de créer une confusion avec celle-ci, a été récemment condamnée à plusieurs reprises. (Tribunal de Grande Instance PARIS, 3° Ch 25 mai 1999 et Tribunal de Grande Instance Nanterre, 2° Ch, 10 janvier 2000, Cah, D. Aff. 2000, Jur, P 117) Cependant, la jurisprudence est peu cohérente, et des arrêts écartent
le risque de confusion : Par exemple, aucune confusion na été retenue
entre « hôtel campanile et une société Le Campanile qui ne
commercialise que des vins. (Cass. Com 23/3/93 RJDA 1994, N°1, N°120) Il ressort de la jurisprudence que les tribunaux
tiennent compte de loriginalité des signes à protéger. Ainsi, le demandeur
dont le nom commercial ou lenseigne ont un caractère générique, sera débouté
de son action en concurrence déloyale : Ont par
exemple été jugés insuffisamment originaux pour mériter la protection, des
termes tels que « pizza » (CA PARIS, 28/11/1959), ou encore « Garden
center », qui est le terme générique sappliquant à tout les
commerces de cette nature, et dont lorigine étrangère
de lexpression ne confère aucun droit privatif sur son utilisation
(CA AIX 22/6/78). Néanmoins, lorsque le nom bien que générique,
correspond à une activité faisant lobjet dun monopole, à la suite
dune concession, son utilisation peut être également protégée par
laction en concurrence déloyale. Limitation nécessite une situation de concurrence
entre professionnels ou entreprises de même spécialité. Elle peut résulter de lutilisation déloyale dun homonyme, même
si la jurisprudence tend à considérer que lon ne peut empêcher une
personne dexercer une activité commerciale sous son nom patronymique au seul
motif quun autre commerçant exploite déjà un commerce identique sous ce
nom. (Cass.Com 2/6/92, Lettre Distrib, 92 n°7-8 et CA PARIS, 11/10/90, D 93 somm p 116) Encore faut-il que cet usage soit fait de bonne foi.
La concurrence déloyale apparaît en effet lorsqu un homonyme entreprend de
fabriquer, sous le même nom, un produit identique dans le but de provoquer une
confusion et de bénéficier de la notoriété acquise par le premier fabricant. Limitation de lorganisation ou des
installations dun concurrent peut également justifier une action en
concurrence déloyale. Une similitude dans la présentation intérieure ou
extérieure dun établissement peut aussi être source de confusion entre
deux concurrents. La Jurisprudence est en ce domaine particulièrement
abondante : Par exemple, un franchisé qui, en fin de contrat
maintien larchitecture dans ses locaux, commet une faute justifiant de
la part du franchiseur une action en concurrence déloyale. (Cass. Com 22/10/85 n° 84.10.031) Lutilisation de documents commerciaux ou publicitaires est également
répréhensible. (Cass.
Com, 26/02/85 JCP ed. G 1985 IV, p 169) La protection dun produit contre toute imitation,
par laction en concurrence déloyale est-elle possible ? Une stricte application des principes en matière de
propriété industrielle devrait conduire à considérer, en vertu du principe
de la liberté du commerce et de lindustrie, que tout intéressé peut
reproduire, fut-ce industriellement,
une création non protégée par un droit de propriété industrielle. Admettre
le contraire aboutirait à créer des monopoles dexploitation hors de ceux
qui ont été limitativement crées par le législateur. Laction en concurrence déloyale ne saurait être
utilisée comme un succédané de la contrefaçon de brevets dessins ou modèles,
lorsque celle-ci peut être retenue. Dans ces hypothèses, laction en concurrence déloyale
nest recevable quà la condition de sappuyer sur des faits autres que
ceux susceptibles de constituer le délit de contrefaçon. Il faut donc invoquer
des actes distincts de ceux portant atteinte à la marque. Une importante jurisprudence, fréquemment confirmée
par la Cour Suprême sest développée pour condamner, sur le fondement de la
concurrence déloyale, la copie servile dun produit. Il nest dailleurs
pas nécessaire que lauteur dune telle copie ait été animé par la
volonté de créer une confusion. En effet, le seul fait doffrir un produit
à la vente sous une présentation
identique à celle déjà utilisée par un concurrent constitue au moins une
faute dimprudence, suffisante pour qualifier un acte de concurrence déloyale. (CA PARIS, 8/10/92 D. 1994, som, p 203) Cependant, lorsque des raisons techniques imposent la
reproduction à lidentique, sagissant dune forme fonctionnelle, lidée
de concurrence déloyale est exclue. Þ
le débauchage : Si le
principe de la liberté du travail doit permettre à un salarié de changer
demploi au mieux de ses intérêts, son passage chez un concurrent est une
des sources les plus fréquentes de fuites du savoir faire ou des secrets
daffaires en direction dentreprises rivales. ü
La concurrence déloyale est indiscutable en cas de signature, en
connaissance de cause, par le nouvel employeur, dun contrat de travail alors
que le salarié est encore sous contrat avec un autre employeur. (Cass. COM. 15/02/83, JCP 1983, ed G 1983 IV,p 137) Le nouvel employeur, coupable de concurrence déloyale engage sa responsabilité délictuelle à légard de son concurrent, alors que le salarié ayant rompu son contrat de travail est responsable contractuellement envers son précédent employeur. ü
La concurrence déloyale est également indiscutable dans lhypothèse
où le salarié a été embauché par un nouvel employeur alors quil était
lié au précédent par une clause de non concurrence. (Cass. Com. 23/10/84 JCP 1985ed G, IV, p 169) ü
La désorganisation commerciale dune entreprisse par le détournement
de commandes et le démarchage sont également constitutifs dactes de
concurrence déloyaux : Ainsi, le fait pour un commerçant dexécuter
lui-même, en connaissance de cause, une commande adressée à un concurrent, ou
le fait de provoquer, en allant parfois jusquau racolage des clients, la résiliation
de commandes déjà passées auprès dun concurrent, constitue une faute
susceptible dêtre qualifiée dacte de concurrence déloyale.
ü
Le détournement des listes des clients ou des fournisseurs dun
concurrent, souvent obtenues avec le concours dun ancien salarié de ce
dernier, constitue un moyen classique de détournement déloyal de la clientèle
et de désorganisation commerciale dune entreprise rivale. (Cass. Com 24/3/98, n°96-15-906, pour un agent
dassurance) Þ
Le parasitisme: (Cass. Com. 26 janv. 1999, D 2000, Jur., p 87). Les agissements parasitaires se retrouvent aussi dans le secteur de la
distribution puisque des distributeurs cherchent fréquemment à tirer un
avantage personnel de la notoriété attachée à la marque d'un fabricant,
avantage illégitime dans la mesure où l'on ne peut considérer que ce dernier,
en vendant ses produits au distributeur, l'a implicitement autorisé à profiter
de cette réputation (en ce sens, Cass. Com. I er déc. 1987, ). (Cass.Com 30/01/96, JCP ed E 1996, pan, n°395) (Cass.
Com. 16 janv. 1985 n° 83-11-924 ). L'imitation d'un catalogue d'entreprise est également un agissement
parasitaire. (Cass. Com. 30/01/2001) B)LE PRÉJUDICE : (CA
Versailles, 14e ch., 2 févr. 199.) Les tribunaux ont donc aujourd'hui tellement élargi la notion de
rapport de concurrence qu'ils semblent près de s'affranchir de l'exigence de
cette condition, rapprochant ainsi la concurrence déloyale des agissements
parasitaires. a)La nature du préjudice : (Cass.
com. 20 févr. 1996). (Cass. Civ. 1°, 18/2/97) b) La preuve du préjudice : (Cass. Com. 12/11/92). (CA RIOM 11/02/1998). (Cass. Com 9/2/93) Cette solution est en
contradiction avec les principes de la Responsabilité civile. II°) LE NECESSAIRE RESPECT DES CONDITIONS PROCEDURALES :
A)
Les conditions de laction : 1°) Compétence territoriale :
Larticle 46 du Nouveau Code de Procédure Civile dispose que : -
en
matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la
chose ou du lieu de lexécution de la prestation de service ; -
en
matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans
le ressort de laquelle le dommage a été subi ; » Il peut en effet être malaisé de déterminer le
lieu où ce dommage sest réalisé, notamment lorsque la clientèle est disséminée
sur un vaste territoire. 2°) Compétence d'attribution : Les tribunaux de commerce sont compétents pour connaître
des délits et quasi-délits commis par un commerçant à l'occasion de
ses activités professionnelles. Le conseil de prud'hommes n'a compétence que dans la limite où les
faits répréhensibles se rattachent soit à l'obligation générale de fidélité
incombant au salarié durant lexécution du contrat de travail, soit à une
clause de non concurrence après expiration de celui-ci. 3°) Prescription :
Laction en concurrence déloyale, intéressant le monde des affaires,
est en conséquence exercée par des commerçants. Laction doit donc être exercée dans un délais de dix ans, conformément
aux dispositions de larticle L 110-4 du Code de Commerce, selon lequel, la
prescription extinctive décennale est applicable à « toutes les
obligations nées de leur commerce, entre commerçants ou entre commerçants et
non-commerçants. » (Cass.Com 2/11/66, Gaz.Pal 67, 1,P 45) 2)
Prescription de trois ans : Si les agissements déloyaux sanalysent en une
faute civile, ils peuvent également constituer une infraction pénale. En effet, dans une affaire de dénigrement, les éléments constitutifs
du délit de diffamation sont susceptibles dêtre réunis. En pareille hypothèse,
et si le plaideur choisit de porter laction civile devant les juridictions répressives,
il lui faut alors respecter le délias de prescription de laction publique. B) Les
effets de l'action :
Conformément aux
dispositions de larticle 873 du Code de Commerce, ces mesures peuvent être
ordonnées à titre provisoire ou sous astreinte comminatoire pour faire cesser
un trouble manifestement illicite. CONCLUSION EVOLUTION DE LA JURISPRUDENCE ET PERSPECTIVES : La nouvelle notion de parasitisme permet
aujourdhui lorsque les conditions traditionnelles de la concurrence déloyale
ne sont pas suffisamment caractérisées, de se rabattre sur les dispositions légales
du code de commerce, lesquelles qualifient dagissement parasitaire tout
comportement par lesquels un agent économique simmisce dans le sillage
dun autre, afin de tirer profit de ses efforts et de son savoir faire sans
rien dépenser. . Cependant, lon ne saurait approuver une mise en
jeu excessive du concept, laquelle conduirait à méconnaître les textes
principaux. Ainsi, dans un arrêt étonnant et fort critiquable,
la Cour dAppel de PARIS a cru pouvoir accueillir laction visant
larticle 1382 du code civil dirigée par la célèbre maison Cartier
contre le distributeur Metro, qui avait offert à sa clientèle la copie
dune montre créée après la première guerre mondiale et dont la protection
en tant que modèle avait pris fin.
Maître Guillaume SAHUC Avocat à la Cour
Lauréat de la Faculté
courriel : sahuc.guillaume@wanadoo.fr Tel : 06.80.31.09.87. |
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