En vertu dune jurisprudence de la Cour de
Cassation datant des années 1990, le délit dabus de biens sociaux semblait
imprescriptible.
Cependant, la Cour de
Cassation a opéré un revirement de jurisprudence puisque récemment, la Chambre
Criminelle, par trois arrêts en date du 13 octobre 1999 et du 10 novembre 1999, a
reconsidéré la position précédemment adoptée, de sorte que les auteurs
saccordent à dire aujourdhui que le délit dabus de biens sociaux
nest plus imprescriptible.
Cest ainsi que dans une première
espèce du 13 octobre 1999, la Cour de Cassation a en effet considéré que le point de
départ du délai de prescription était la révélation des faits délictueux au travers
de la présentation des comptes sociaux.
En lespèce, les salaires avaient été versés à deux associés dispensés de tout
travail, de 1986 à décembre 1991. La qualification dabus de biens sociaux ne
faisait donc aucun doute. La Cour dAppel sétait fondée sur une jurisprudence
de 1993 (Cass . 27/07/1993), pour retenir comme point de départ de la
prescription, la date de dénonciation aux services fiscaux, bien plus tardive que celle
de la révélation des faits délictueux !
Les pourvois faisaient valoir dune part que, la prescription avait commencé à
courir dès la révélation des faits délictueux, et dautre part que, le délit
était consommé dès la conclusion du contrat, soit bien avant les derniers versements de
salaires.
La Cour suprême a finalement dégagé un nouveau
critère.
Il convient maintenant de savoir si les informations
contenues dans les documents et les comptes annuels soumis aux associés sont suffisamment
explicites pour considérer les premiers comme parfaitement renseignés.
Ainsi, la prescription ne court pas automatiquement à compter de la présentation des
comptes.
Encore faut-il que ceux-ci soient suffisamment
explicites sur la révélation des faits délictueux.
Ce critère a été rapidement affiné par la Haute Juridiction dans un nouvel arrêt du
10 novembre 1999.
Un prévenu sétait vu verser des honoraires dont la rétrocession
ne correspondait pas toujours à une activité réelle. La comptabilité de la société
était obscure au point de masquer lopération. La victime était un acquéreur de
parts sociales qui n'avait donc pu, à la lecture de la comptabilité, avoir que des
soupçons sur les opérations réalisées.
La Chambre criminelle a considéré que le délai de prescription avait commencé
à courir le jour où les faits susceptibles de caractériser labus de biens sociaux
avaient pu être constatés, cest à dire au jour où la victime avait pu avoir
connaissance du principe des malversations, sans forcément avoir été en mesure
den appréhender toutes les modalités.
Un
dernier arrêt du 10 novembre 1999 reprend une nouvelle fois ce critère, la Cour Suprême
manifestant ainsi son intention de régler définitivement la question de la prescription
du délit dabus de biens sociaux.
Aujourdhui, la position de la jurisprudence est donc clairement établie : le
délai de prescription court à compter de la connaissance par la victime du principe des
malversations, sans quil soit nécessaire quelle ait eu connaissance, selon
lexpression de la doctrine dominante, des détails de ces opérations.
Si cette position de la Chambre Criminelle a le mérite dêtre aujourdhui
établie, il nen demeure pas moins quelle laisse subsister un doute quant à
linterprétation des lignes comptables, laissant finalement ainsi la part belle aux
fraudeurs : la leçon quils retiendront eux-même de cette évolution est la
suivante :
< soit la comptabilité sera extrêmement obscure sur les opérations douteuses,
auquel cas la prescription du délit dabus de biens sociaux naura pas
commencé à courir ;
<
soit les prévenus parviendront à fondre lopération dans le méandre des lignes
comptables, de telle sorte que lassocié ou lactionnaire victime sera réputé
avoir connaissance du principe de labus de biens sociaux. Le délai de prescription
aura néanmoins commencé à courir !
Avis, donc, aux éventuels fraudeurs, davoir à présenter une opération
suffisamment explicite pour faire courir le délai de prescription, mais suffisamment
obscure pour éviter à avoir à répondre à trop de questions
Maître Françoise SIBAUD
Avocat au Barreau de Paris
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